Début avril 2013, Le Consortium
international des journalistes d'investigation a révélé qu'il
disposait de plus de 2,5 millions de documents concernant des
transactions offshores. Quatre-vingt-six journalistes travaillant
pour 36 médias répartis dans quarante-six pays ont "épluché",
aidés de logiciels de "data mining" (NUIX permet la
collation de données non structurées), 260 Gigabytes de données
informatiques, soit une somme d'informations bien supérieure aux
câbles publiés par Wikileaks en 2010. Offshore Leaks, représente
probablement, la plus grande enquête journalistique connue à ce
jour.
L'ICIJ s'est saisi des investigations
après qu'elle ait reçu courant 2011, un paquet postal expédié
d'Australie, dont le contenu, un disque dur a stupéfait la
rédaction. Le hard drive contenait : des contrats, des fax, des
copies de documents d'identité, e-mails, numérisés, indispensables
à l'établissement de transactions bancaires offshore.
Les données concernent environ 122
000 entités commerciales "reliées à plus de 130 000 personnes
dans 140 pays. Près de 12 000 intermédiaires ont contribué à
créer ces entités, le plus souvent pour le compte de leurs
clients", pour un montant total estimé à 20 000 milliards de
dollars. Les comptes étaient dissimulés au sein de sociétés
écrans où les noms des clients n'apparaissaient pas. Le nom de la
banque ou de l'homme de paille était le seul à être connu de
l'entité offshore.
Quelques jours plutôt, Jérome
Cahuzac, le ministre chargé du budget qui prônait l'austérité,
reconnaissait, contraint et forcé, qu'il possédait un crédit de
600 000 euros sur un compte Suisse. Le Monde révélait dans la
foulée, que le trésorier de campagne de François Hollande en 2012,
était actionnaire de deux sociétés offshores basées dans les îles
Caïmans. Si tout citoyen d'un pays de l'Union Européenne peut
ouvrir, depuis 1990, un compte courant dans un autre pays que le
sien, ce dernier doit être déclaré à l'administration fiscale. La
loi française exige d'en connaître le bénéficiaire et interdit le
trust.
Depuis la loi du 12 juillet 1990, les
organismes financiers sont tenus de lutter contre le blanchiment des
capitaux, avec l'obligation de signalement à TRACFIN (Traitement du
renseignement et action contre les circuits financiers). Celle loi
est venue compléter la nouvelle réglementation économique du 13
mai 2001, et la 3° directive européenne du 26 octobre 2005.
L'argent secret ne sert pas seulement
à la criminalité en col blanc. Il tend de plus en plus à être le
produit d'activités criminelles servant à alimenter le terrorisme.
Selon les services du renseignement américains, l'attentat du XI
septembre 2001, aurait nécessité le transfert de 324.000 dollars
éparpillés en 20 comptes étalés sur une durée de 7 mois. Cette
somme, selon les enquêteurs, proviendrait de fraudes à la carte
bancaire, de trafics divers, et de certains groupes de charité
proche d'Al-Qaïda.
La notion de paradis fiscal repose sur
le principe de la souveraineté nationale des États. En dehors des
traités uni ou bilatéraux (la France a signé près de 1000 traités
de par le monde), toute enquête n'est possible qu'avec l'accord de
l'état d'accueil. Or, plusieurs pays estiment qu'ils ne peuvent être
tenus pour responsables des systèmes fiscaux en vigueur dans
d'autres pays, et toute demande d'enquête se heurte à une fin de
non recevoir, ou à un manque d'alacrité certain.
Les activités de blanchiment
représentent une activité importante de l'économie. Quand un
délinquant de "haut vol" prend une licence bancaire, cela
fait des revenus pour l'État, et quand un criminel, un trafiquant
crée un réseau de sociétés de façade, il "monte" de
véritables sociétés. Ces sociétés existent bel et bien, elles
créent des emplois, paient des charges, et les États hébergeurs
tirent profit de cette économie délictuelle. Les capitaux déposés
dans le giron britannique (les Caïmans, îles anglo-normandes, Man,
îles Vierges britanniques, Gibraltar, Hongkong, Irlande ou
Dubaï), approvisionnent la City. En France, le régime de
défiscalisation et celui des niches fiscales accordé aux DOM-TOM (devenus COM) sont assimilable, aux dires des spécialistes, à de
minis paradis fiscaux (Ils jouissent d'une large autonomie fiscales
et douanière) . Cela explique pourquoi certains États ne classent
pas cette lutte au rang de leurs priorités. La combattre serait
écrouler tout un pan de la vie économique du pays. La crise
financière survenue à Chypre en mars 2013, a montré comment un
système offshore peut avoir des répercussions énormes sur la
stabilité d'un État.
Paradoxalement, c'est la dérégulation
et une législation des grands pays qui sont à l'origine de ces
paradis fiscaux. Chaque grande zone a les siens, les Caraïbes pour
l'Amérique du Nord, les îles Anglo-normandes et les micros-états
pour l'Europe, et enfin, le pacifique pour l'Asie. Selon un rapport
publié en 2001, l'ensemble des paradis fiscaux représentait 4 000
banques offshores, plus de 2 millions de sociétés relais ou écran,
et drainaient plus de 5.000 billions (milliards) de dollars.
Après l'attentat du XI septembre, les
États-Unis revenaient sur leur position antérieure favorable aux
paradis fiscaux. En septembre 2001, les pays du G7 gelaient des fonds
soupçonnés d'être liés au terrorisme, et l'union européenne
rendait publique une liste de personnes et d'organisations figurant
sur une liste noire dressée par les États-Unis. Le Groupe d'Action
Financière sur le blanchiment de capitaux (crée à Londres en 1999
à l'occasion du G7) regroupant 26 pays industrialisés, et qui est
une émanation de l'OCDE, dressait en 2001, deux listes des pays les
moins coopératifs en matière de lutte contre l'argent sale.
les
Bahamas
|
Israël
|
Panama
|
Russie
|
îles
Caïmans
|
Liban
|
Niue
|
St Vincent Grenadines |
les
îles Cook
|
Liechtenstein
|
Nauru
|
St
Kiits et Nevis
|
La
Dominique
|
îles
Marshall
|
Philippines
|
Liste
noire 2001
Antigua Barbuda
|
st Lucie
|
Guernesey
|
Monaco
|
Belize
|
Samoa
|
île de Man
|
Île Maurice
|
Bermudes
|
Chypre
|
Jersey
|
|
Îles vierges
|
Gibraltar
|
Malte
|
Liste
grise 2001
Inadéquation
dans l'octroi d'agrément à des institutions financières :
possibilité de gérer une société financière sans autorisation ou
enregistrement, possibilité pour un criminel d'exercer des fonctions
de gestion ou de contrôle dans un établissement financier.
L'enjeu de ces sommes est stratégique.
Il circule de part le monde, et pas seulement dans les paradis
fiscaux, des capitaux sans qu'on en sache rien, ou pas grand chose,
ce qui revient au
même. Une première idée qui vient à l'esprit pour lutter contre l'argent "sale", la mise en place d'un système financier reposant sur des chambres de compensation qui permettraient de suivre les flux financiers, mais la mesure resterait insuffisante. Chacun sait que les financiers sont toujours à l'affût de capitaux, aubaine que les criminels de tout acabit s'empressent d'en profiter. Il ne faut donc pas s'étonner de retrouver sur les marchés spéculatifs (le Monep, pour ne pas le citer), une importante partie de ces sommes, marché sur lequel l'argent va perdre ses origines douteuses afin de pouvoir réapparaître au grand jour, et ce, légalement.
même. Une première idée qui vient à l'esprit pour lutter contre l'argent "sale", la mise en place d'un système financier reposant sur des chambres de compensation qui permettraient de suivre les flux financiers, mais la mesure resterait insuffisante. Chacun sait que les financiers sont toujours à l'affût de capitaux, aubaine que les criminels de tout acabit s'empressent d'en profiter. Il ne faut donc pas s'étonner de retrouver sur les marchés spéculatifs (le Monep, pour ne pas le citer), une importante partie de ces sommes, marché sur lequel l'argent va perdre ses origines douteuses afin de pouvoir réapparaître au grand jour, et ce, légalement.
Un système beaucoup plus ancien peut
aussi être utilisé pour effectuer des transferts de fonds anonymes,
la "Hawala". Il s'agit d'une façon de faire basée sur la
confiance, qui remonte aux empereurs de la Chine ancienne, pour
éviter aux commerçants empruntant la route de la soie d'être
"dépouillés" de leur argent. L'utilisation est des plus
simple. Une personne dépose une certaine somme chez un agent de
change, qui en retour lui remet un reçu numéroté anonyme (une
lettre suivie de quatre chiffres pour les sommes inférieures à
500$), et un mot de passe. Il suffit ensuite à l'agent de change
d'avertir par e-mail ou par fax son correspondant, pour qu'un tiers
puisse se présenter et venir retirer les fonds, soit en présentant
le reçu numéroté, soit en révélant le mot de passe. La
transaction effectuée, elle est aussitôt effacée. Bien que cette
pratique soit illégale dans nombre de pays, elle n'en constitue pas
moins tout un pan de leur économie. Au Pakistan, on estime à
plusieurs milliards de dollars le volume de ces transactions qui sont
"noyées" avec celles des travailleurs indiens,
pakistanais, philippins et du sud-est asiatique émigrés.
Quel
que soit le type d'activité illégale, dès qu'elle atteint une
certaine ampleur, on a recours à un ensemble de sociétés légales
qui permettent de dissimuler les revenus d'activités contraires à
la loi, d'en disposer légalement après blanchiment, voire en tirer
profit. Quasiment toutes les banques, disposent, parfois à leur
insu, de "rabatteurs".
Les transactions pouvant dissimuler
les fonds, leur provenance, ou leur utilisation pour des opérations
illicites, sont quasiment Dromon. Dans une chaîne délinquante,
seules les personnes à la base de l'activité illicite doivent
blanchir les capitaux, les intermédiaires n'ont pas ce souci. Leur
activité économique et de façade étant tout ce qu'il y a de plus
légale, ils perçoivent leurs honoraires qui constituent leur
chiffre d'affaires. Pour dissimuler les transferts de capitaux, on
crée de véritables sociétés qui serviront de paravent à travers
un montage complexe de sociétés relais. Ce qui intéresse ces
sociétés de papier, ce sont les registres de commerce, le papier à
en-tête, les comptes bancaires, et les possibilités offertes pour
les transferts de capitaux. Il devient possible de commercer en
établissant de fausses factures, en surestimant ou sous-estimant les
montants de celles-ci, pour que la différence ou le bénéfice
réalisé sur la TVA puisse être déposé au passage sur un compte
secret. Cela est encore rendu plus facile par les zones franches
exemptent de contrôles douaniers et fiscaux, tout en permettant la
re-facturation à l'exportation. Les zones franches de certaines
banlieues Française peuvent appartenir à cette catégorie. Ce sont
de mini paradis fiscaux que les gangs locaux peuvent mettre à profit
pour bénéficier d'exonérations fiscales et sociales en provenance
d'argent sale. Parfois, il s'agit simplement d'un jeu d'écritures,
puisqu'il n'y en circulation aucune marchandise.
Une technique resplendissante de
simplicité, le faux procès. La somme à blanchir est déposée sur
un compte dans une banque offshore en attendant de servir de
règlement à un procès monté de toute pièce. La société qui
veut rapatrier les fonds intente un procès à la société détenant
les capitaux, et bien souvent, un arrangement à l'amiable est
négocié entre les avocats et la justice. La société perdant son
procès verse ensuite les sommes convenues à l'autre partie. Dans
l'état actuel de la législation, la société qui aura gagné le
procès, n'aura même pas à payer d'impôts sur les sociétés. Le
bénéfice est donc supérieur à ce qu'il serait avec des fonds sur
lesquels il aurait fallu s'acquitter des impôts sur les sociétés.
On peut tout aussi bien avoir recours
à des sociétés offshores situées dans un paradis fiscal. Les
affaires ne transitant pas par le pays d'accueil, cela évite qu'un
nom de fondateur ou d'administrateur n'apparaisse. La réglementation
permet l'implantation de banques, compagnies d'assurances, sociétés
relais ou écran, l'ouverture de compte à chiffre anonyme. Les
sociétés panaméennes ont été fréquemment utilisées en Suisse,
en raison de la possibilité à pouvoir utiliser les deux sigles SA
ou AG. Pour ensuite semer la confusion, il suffit que la société
mentionne une ville et de supprimer la mention du siège à Panama !
Vous souhaitez créer votre société
rapidement, il vous en coûtera quelques milliers de dollars, et pour
les impôts, il pourra s'agir d'un forfait de quelles que centaines
de dollars par an, auxquels il vous faudra prévoir 6OO dollars de
frais de gestion. Si vous n'avez pas le temps de vous déplacer, vous
pouvez créer votre société offshore via Internet.
Depuis l'attentat du XI septembre
2000, les contrôles financiers se sont renforcés. Les banques
pouvant être considérées par la justice comme complices dans les
transactions illicites et les abus de biens sociaux, elles sont
devenues très vigilantes. Tout employé recevant une transaction
supérieure à un plafond, ou jugée anormale, se doit d'avertir
immédiatement la direction. Parmi les indicateurs "d'anormalité",
on peut, sans trahir le secret bancaire, citer :
Les établissements financiers vont
devoir s'assurer que les sommes ont été déclarées à
l'administration fiscale du pays d'origine, d'où l'apparition de
nouveaux services financiers alternatifs. Mais il arrive qu'une
infraction constituée sur un territoire, ne soit pas considérée
comme telle, si elle a été perpétrée en dehors des frontières du
pays d'accueil. Attention ! Il faut tout fois modérer cela, car
certains pays peuvent exercer des pressions sur un pays tiers, et
l'influencer, même sans accords de réciprocité.
En juillet 2000, l'OCDE (Organisation
pour la Coopération et le Développement) annonçait, qu'elle
prendrait des mesures utiles contre les pays qui maintiendraient le
secret bancaire. Pour faire échec à ce vœu pieux, il suffit qu'une
seule grande puissance financière ait un intérêt à conserver un
paradis fiscal dans son giron pour s'y livrer elle-même à des
transactions douteuses. Les exemples ne manquent pas, affaire des
vedettes de Taïwan, la livraison d'arme en Iran, l'implication de la
banqueroute de la BCCI (Bank of credit and commerce international),
etc.
D'autre part, l'entraide judiciaire
entre certains pays reste très encadrée. Il faut, et ce, même en
matière de terrorisme, que le montage financier vise une escroquerie
en matière fiscale. Parfois, la coopération recèle des chausses
trappes. À propos du secret-défense invoqué dans l'affaire Elf,
les juges Français ont demandé à leurs homologues suisses, au
titre une convention du 22 mars 1972, signée entre la "sécurité
militaire" et la section du maintien du secret auprès de
l'état-major helvétique, fixant une équivalence des niveaux de
protection entre les deux pays, la communication des documents en
leur possession. En effet, cette équivalence ne concerne que les
échanges d'informations entre les deux armées et ne saurait
s'appliquer à un contrat commercial. Connaîtrons-nous un jour la vérité sur les comptes aux noms de code : Prome, Vegétal, Minéral, Oror, Centuri ?
Cette guerre occulte sur les places
financières a aussi des morts. Yin-Chin-Feng, l'officier taïwanais
qui avait refusé de se laisser corrompre dans l'acquisition des
frégates furtives, a été assassiné. Le 15 mai 2001,
l'administrateur d'une société suisse meurt dans l'explosion de son
véhicule. Le 2 février 2003, c'est un ancien agent de la DST,
Daniel Levasseur, est découvert pendu près de Saint-Raphaël, au
Dramont ! Il était l'un des quatre signataires d'une convention pour
la vente d'un système d'extinction des puits de pétrole en feu au
Koweït. Derrière ces disparitions et d'autres, se cache un pactole
estimé à 120 milliards. On comprend mieux qu'une prime de seulement
quelques milliers d'euros accordée aux informateurs, reste sans
effet. Si l'argent ne représente pas toujours la motivation première
des dénonciations (idéologie, opposition politique, vengeance,
etc.), il reste un sauf-conduit. Pourquoi ne pas rétribuer ces
aviseurs selon un pourcentage correct et suffisant pour permettre
leur installation dans une autre région.
Les informateurs sont
à la base du renseignement, et rien ne remplace un bon réseau
d'informateurs opérant dans et autour de l'objet d'intérêt.
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