mercredi 9 avril 2014

LES BOITES NOIRES DU VOL MH 370

Le samedi 5 avril, un navire chinois a capté pendant 90 secondes un signal ultra sonore dont les caractéristiques pourraient correspondre avec celles émises par les boites noires du vol MH 370 disparu le 8 mars 2014 quelque part dans l'océan Indien avec 239 personnes à bord. Le lendemain, l'Ocean Shield, un navire de la Marine australienne participant aux recherches détectait à 65 nautiques de cette zone d'autres signaux acoustiques d'une fréquence de 37,5 kHz, fréquence très spécifique qui ne se rencontre que très peu dans le bruit de fond océanique.

Il existe quatre principes pour transmettre à distance des signaux sous-marins : optique, magnétique, électrique et acoustique. La méthode optique n'est guère à retenir, hormis le laser bleu-vert et pour certaines applications bien particulières qui en sont encore au stade des expérimentations. Les ondes électromagnétiques (ondes radio) se doivent d'opérer sur des fréquences très basses comme les VLF (very low frequency) qui permettent aux submersibles en immersion à faible profondeur de communiquer par Télétypes, ou les ELF (extra low frequency) qui elles ne permettent qu'un débit très lent (la transmission d'une lettre prend une dizaine de secondes). Ces gammes de fréquence se révèlent quasiment inutilisables dans notre domaine d'application, les ondes sonores, donc mécaniques, sont bien mieux adaptées. Les sons émis sur une fréquence audible (18 à 18 000 Hz) sont très bien perçus par l'oreille d'un plongeur qui peut entendre un avion survoler l'eau, entendre de très loin les bruits de machine d'un bâtiment, et les nageuses des ballets nautiques s'ébattre au rythme de la musique diffusée par des haut-parleurs étanches.
Ce que l'on appelle boite noire correspond au Digital flight Data Recorder qui enregistre les paramètres de vol, vitesse, altitude, cap (jusqu'à 1 300 paramètres), etc. sur une durée de 25 heures, et au Cockpit Voice Recorder qui enregistre les sons (conversations des pilotes, messages de cabine, bruits d'ambiance). Ces deux boitiers sont chacun équipé d'un Crash Survival Memory Unit,une balise ultra-sonore qui s'active automatiquement au contact de l'eau pour émettre un signal ultra-sonore omnidirectionnel afin d'aider à sa localisation. L'utilisation des ultrasons repose sur le phénomène de la piézoélectricité (Langevin). Le haut-parleur de la source sonore (amplificateur) est remplacé par un transducteur piézoélectrique dont l'apparition d'un champ électrique entraîne la déformation mécanique du transducteur comme le fait la bobine sur la membrane d'un haut-parleur. La balise ou pinger émet un bip d'une puissance de 160 dB (bruit équivalent au tir d'un fusil d'assaut) chaque seconde sur une fréquence de 37,5 kHz pendant une durée d'au moins trente jours consécutifs (certaines balises ont une autonomie de 3 mois) Le signal émis peut être capté grâce à un réseau d'hydrophones passifs (microphones sous-marins) remorqués à quelques nœuds derrière un navire ou un sous-marin.


Le son est un phénomène de nature vibratoire qui se crée et se propage par des chocs élastiques entre les matériaux. L'oreille perçoit un bruit lorsqu'une perturbation atteint le milieu (air, solide, liquide) et que l'ébranlement consécutif parvient au tympan. Lorsque les ondes sonores parviennent à l'oreille, elles donnent une impression sensorielle qu'on appelle son, bruit ou onde matérielle (pour la différencier des ondes radioélectriques immatérielles). De façon générale, on peut appeler bruit toute impression sonore qui n'est ni un son ni un accord.

Si d'un point de vue physique le son est un ébranlement des éléments constitutifs du milieu, ses paramètres physiques sont liés aux paramètres physiologiques, pression et hauteur du son (grave, aigu) ou fréquence (nombre de vibrations par seconde). Pour les longueurs d'onde petites vis-à-vis des dimensions de notre tête (sons aigus), il se produit une différence dans l'intensité de sons perçus par chaque oreille (audition binaurale). Pour les grandes longueurs d'onde (sons graves), il se perçoit une différence de phase (intervalle de temps) entre les deux oreilles. Un son trop faible ne provoque aucune sensation, un son trop aigu (ultrason) n'est pas perçu, un son trop grave (infrason) ne provoque aucune sensation, un son fort sur un son plus faible provoque un effet de masque, la durée d'une impulsion dépend de la durée du stimulus.

On appelle acoustique sous-marine la partie de la physique qui s'occupe de l'étude des sons et de la propagation des sons en milieu aquatique, de leurs causes et des conditions dans lesquelles ils se produisent. La vitesse du son dans l'air, 337 m/sec (température de 16°C) fut déterminée dès 1822. Quand la température s'abaisse, la vitesse de propagation du son diminue, quand la température augmente, la vitesse elle aussi augmente. La vitesse du son diminue également en altitude en raison de la raréfaction de l'air. Dans l'eau, en raison des molécules plus nombreuses et plus proches les unes des autres et de l'incompressibilité du milieu, le son est très bien transmis ; on y note même un gain d'environ 40 dB par rapport à l'air. Selon la densité et la salinité de l'eau, la célérité du son varie ; 1 435 m/s pour l'eau douce et 1 512 m/sec pour l'eau de mer (Colladon et Sturm).

Pour matérialiser l'émission d'un transducteur ultrasons, on peut prendre l'exemple d'une pierre qui tombe dans l'eau, son choc à la surface va repousser violemment les molécules et entraîner l'apparition d'ondes (d'oscillations) circulaires ayant pour origine le point de chute de la pierre. La longueur d'onde symbolisée par la lettre grecque lambda représente la distance séparant deux mêmes points sur une sinusoïde (distance séparant les deux crêtes d'une ride à la surface de l'eau), la fréquence étant le nombre d'oscillations se produisant dans une seconde. La longueur d'onde est égale au rapport entre la vitesse et la fréquence le nombre d'oscillations se produisant dans une seconde (l=C/fré). Ainsi, pour le "La" qui est caractérisé par une fréquence de 435 Hz, sa longueur d'onde dans l'air vaudra 331/435, soit 0.762 m, et dans une eau pure la longueur de cette même fréquence sera égale à 1 470 / 435, soit 3.38 mètres. A mesure que l'on s'éloigne de la source, l'onde s'amortit jusqu'à devenir indécelable. L'amplitude de la vibration décroît avec la distance car l'énergie de l'onde se répartit dans un volume qui s'accroît. Plus la fréquence est élevée, plus l'absorption du son est grande.

Le mode de propagation des ondes sonores dans l'eau présente une analogie avec la propagation des rayons lumineux. Le passage de la lumière à travers des matériaux d'indices différents est à l'origine du phénomène de réfraction. En présence d'une différence de température entre deux couches d'eau (thermoclines), on peut se retrouver en présence d'un "canal sonore" qui conduit les sons à grande distance, voire à très grande distance et créer de véritables chenaux sonores. Des différences de température et ou de salinité peuvent aussi représenter un obstacle et être à l'origine de variations de propagation. Une couche d'eau chaude voisine d'une couche d'eau froide peut avoir un effet de "miroir" et la propagation sonore ressembler à la propagation lumineuse dans une fibre optique. 


Le son peut aussi venir se "réfléchir" sur la surface, sur le fond, sur un obstacle, et l'onde sonore cheminer par réflexions successives. L'onde incidente (réfléchie) peut parfois interférer et entraîner un changement soudain des conditions de propagation. Si le signal est en phase, il se renforce, dans le cas contraire cela peut conduire à l'extinction totale du signal. Cela nous montre les difficultés et explicite les aléas rencontrés dans la propagation acoustique. Un signal peut être perçu à grande distance pour ne plus l'être dans une zone située plus proche de la source sonore.
En approximation, l'absorption est proportionnelle au carré de la fréquence, par contre, plus la fréquence est basse, moins elle est directive. Il est à noter que si les sons aigus (fréquence élevée) sont mieux perçus par l'oreille, ils se propagent bien moins que les sons graves. La propagation des sons semble inversement proportionnelle au carré de la distance, autrement dit, si la distance double, le signal est 4 fois plus faible, si la distance triple, le signal sera 9 fois plus faible. Mais en présence d'une surface capable de réfléchir le son, cette loi empirique ne saurait convenir, il faut tenir compte des frottements rencontrés par les molécules qui sont la cause d'un amortissement. Pour une distance inférieure au kilomètre on peut cependant négliger cet amortissement, la formule se réduit à : Ir = A . Io/ r dans laquelle Ir correspond à l'intensité sonore en watt/cm², r à la distance en centimètres, Io l'intensité sonore rayonnée par la source d'émission.

Les écrans acoustiques, les courants, les variations de températures, les bruits ambiants, voilà quelques paramètres capables d'influer sur la qualité de la liaison. On pourrait comparer ces problèmes avec le fading (affaiblissement, extinction) des hautes-fréquences dans les liaisons à longue distance. A titre d'exemple, un poste annoncé pour une portée de 500 mètres en pleine eau, verra sa portée "tomber" à une cinquantaine de mètres en rade.

A la suite du crash du Rio-Paris, les enquêteurs français du Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) avaient recommandé d'allonger de 30 à 90 jours la durée d'émission des balises fixées aux enregistreurs de vol et avaient en outre suggéré que la balise émette désormais à une fréquence plus basse de 8 à 9 KHz (boomer). «La mise en œuvre de la première recommandation n'a pas été rendue obligatoire pour le moment (par les instances de sécurité internationales) mais rien n'interdit à une compagnie de s'en doter».

La faiblesse d'une boite noire ne réside pas seulement dans sa robustesse mécanique (boitier en titane capable de résister à 1100°C pendant 60 minutes et à une immersion de 7 000 mètres), mais dans son alimentation électrique qui n'est pas autonome. La portée d'un pinger est fonction de sa puissance, mais plus le pinger est puissant, plus il consomme d'énergie. La fiabilité liée à l'autonomie annoncée par le constructeur est de 6 ans, délai au-delà duquel il convient de procéder au remplacement de la batterie (temps moyen de bon fonctionnement). Quand Airlines avait-elle procédé au remplacement de la batterie ?

Les boîtes noires récupérées, rien ne garantit que le CVR n'ait pas été désactivé volontairement en tirant sur le “breaker” (interrupteur) accessible depuis le cockpit... Dans le cas du crash de l'appareil de la Swissair du 2 septembre 98, l'électricité a été coupée six minutes avant le drame, si bien que les boites noires furent inexploitables...


Dans l'attente de leur récupération pour analyse, les raisons restent bien mystérieuses. S'agit-il d'un acte suicidaire - d'un accès de démence - d'un geste criminel prémédité - d'un geste politique - d'une vengeance ? Le suicide d'un des membres du cockpit a été à plusieurs reprises déjà envisagé comme une cause possible d'un crash. Le 19 décembre 1997, un Boeing appartenant à la compagnie singapourienne Silk Air assurant la liaison Singapour-Jakarta s'était écrasé sur l'île de Sumatra, en Indonésie.

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